Vénus, la grande patronne de la cité romaine, soutenait le désir de jouir pleinement du plaisir des rencontres, le désir de vivre et celui d’entreprendre. Le fluide de la déesse accompagnait les armées romaines que Jules César exhortait « Venus Victrix ! » (Vénus Victoire !) tandis qu’il marchait au combat à leur tête. Pour sa part l’urbain ordinaire dédiait à la patronne de la cité des « mont-de-vénus » érigés près de chaque maison, des petits autels de pierre sur lesquels chacun déposait des offrandes, vénérant cette déesse virile pour qu’elle lui accorde sa protection et sa guidance, et certains lui offraient des phallus de terre cuite destinés à fortifier leur force vitale.
Dans la langue courante, on appelait le « venus » la pulsion de vie commune à des hommes comme à des femmes (et bien sûr à des bi comme Jules César), un terme tiré du nom de cette déesse primitive dont les qualités ne se bornaient pas à la beauté de la grecque Aphrodite, nue et lascive, peinte mille fois depuis la Renaissance et assujettie au désir masculin. Le « venus », un nom neutre en latin, c’était l’envie de vivre, de gagner une bataille. C’était vivre sa vie comme un être viril, car la virilité n’est rien d’autre que cette capacité à mordre la vie à pleine dents. En avoir ou pas, voici la question ! « Pour ma part je considère qu’il y a les puérils d’un côté, et de l’autre les virils – hommes et femmes confondus. (…) beaucoup de gens sont immatures à biberonner toute la journée de la nourriture, des drogues, des anxiolytiques, des séries TV, du sexe brut », écrit la sémiologue Mariette Darrigrand dans son essai Viriles comme Vénus.[1]
A Rome, les dominae étaient des virae (du latin vir, homme libre), des femmes matures, libres et responsables, qui avaient leur mot à dire et une grande liberté sexuelle alors que la cité grecque était plutôt du style men only. A Rome, on appelait certaines femmes des viragos (vir + ago agir). La plus connue était Minerve, déesse de la justice. J.K Rowling n’a pas donné par hasard le nom de Minerva à la directrice de l’école de Harry Potter où l’on apprenait aux élèves à s’éduquer eux-mêmes. Aujourd’hui les femmes viriles sont légion. Parmi les artistes célèbres, l'actrice Isabelle Huppert ou les chanteuses Beyoncé et Rihanna ont de la vénusté : elles mènent leur vie comme des Vénus, alliant l’énergie et l’épanouissement mature avec l’Eros.
La petite galerie du mois : à l’époque des grandes avancées féministes,
certaines femmes ont éprouvé le besoin d’investir des domaines jusque-là réservés aux hommes. Ainsi la top-modèle body-buildeuse et haltérophile Lady Lisa Lyon affirmait-elle haut et fort sa virilité devant l’objectif du photographe Mapplethorpe, au début des années 1980. Il y aura toujours des femmes haltérophiles, des footballeuses, des boxeuses et des millions de femmes habitées par une virilité plus discrète.
[1] Viriles comme Vénus, editions Equateur, 2021.
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