A Paris, le nouveau restaurant O’Naturel accueille une clientèle de naturistes purs et durs. Naturistes et fétichistes ont un point commun (mais oui !) : le rejet des « textiles » dans leurs lieux de convivialité. Le vêtement n’a pas sa place à Eden, le paradis perdu d’Adam et Eve auquel aspirent les naturistes partisans du retour aux sources. Au restaurant O’Naturel, dans le 12eme arrondissement, le retour aux sources des clients est loin du mythe idyllique des origines : La chair est triste, la nudité des convives dénuée d’érotisme.
S’il leur fallait absolument choisir, les fétichistes (dont je fais partie) préfèreraient encore porter du tissu plutôt que se promener tout nu. La brillance du vinyle, l’odeur du cuir, le toucher du latex, l’objet des fantasmes, la parure est adulée. C’est le fétiche qui provoque l’érection de son adorateur et l’excitation d’un grand nombre de BDSMeurs. Corsets, cuissardes, escarpin, zentai, bas, fourrures, catsuit, macintosh, la liste des parures d’une soirée BDSM est aussi longue que celle des fétichismes !
La pratique collective du nudisme a débuté en Allemagne vers 1900 en réaction… au port du corset. Le mouvement incitait alors les femmes à se confectionner des vêtements amples dits « réformistes », dont personne n’est devenu fétichiste hormis quelques Allemands (j’en ai rencontré). Gymnastique, bain nu, « rando-nu » en pleine nature, camping communautaire, les « Nats » - comme ils se désignent eux-mêmes - proposent une vie saine en réaction à l’enfer des villes et à l’industrialisation. Dans les petits papiers de l’équipe de la mairie de Paris, ils jouissent depuis 2017 de 7000 mètres carrés au bois de Vincennes pour leurs pique-niques, un espace de taille raisonnable, dont il doit être facile de gérer les entrées. Etre entre soi n’est pas aussi simple sur les immenses plages naturistes du Cap d’Adge. Toutes sortes de gens viennent s’y allonger ou camper. Or, la conception du nudisme diffère sensiblement d’un groupe d’habitués à un autre. Les naturistes puristes, pour lesquels il n’y a rien d’érotique dans le fait de vivre nu, à l’instar des clients d’O’Naturel, sont dérangés par les branleurs, les masturbations des « tissus » comme ils les appellent, qui gardent sur eux un string ou un pareo pour venir les mater. Les mêmes puristes jugent durement les échangistes qui ne sont nus que pour draguer, exhibant ostensiblement leurs appâts dans l’esprit : « regardez comme on est beaux », imités par les gays.
A Paris en soirée, le même antagonisme oppose la population de libertins qui font feu de tout bois d’un côté, et celle des fétichistes et des BDSMeurs non-échangistes de l’autre. Bon nombre de soirées SM ont lieu dans des clubs échangistes, mélangeant des libertins et d’autres populations pour lesquels arborer une tenue fétichiste n’est qu’un passe-droit. La frange non-échangiste du milieu est réduite à attendre qu’une soirée SM ait lieu dans un endroit dédié, sans que les femmes sentent des mains inconnues leur palper les fesses. Appartenant à cette seconde mouvance, je rejoins les naturistes purs et durs dans leur rejet du libertinage. Au fond, le libertin est un « tissu » opportuniste chez lequel la parure n’est qu’un accessoire.
La BD SM LE MAUDIT est née de la rencontre de l'écrivain Christophe Bier et du dessinateur Yxes, tous deux épris de l'époque des années 1930 et de la réputation des dominatrices hard, la cigarette blonde aux lèvres, qui l'accompagne. Longue vie à ce duo d'enfer, on attend déjà la prochaine BD.