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  • Gala Fur

Pourquoi se travestir ?


Mon père avait la boxe comme hobby, ma mère les gifles. Elle les donnait, je les recevais.

Autant dire que l’autorité me déplaît depuis mon plus jeune âge. Quand j'étais une petite fille, je mettais des perruques à mon baigneur, une grande poupée nue, au sexe indéterminé dont les cheveux courts, des cheveux de bébé, étaient gravés dans le celluloïd. Féminiser les hommes, les travestir est vite devenu l'un de mes hobbies. A 12 ans, je travestissais mon frère et mes petits cousins.

Etudiante, quelques uns de mes amis se travestissaient, dont Jean-Claude Dreyfus, alias Erna von Scratch, qui menait la revue d’un cabaret oublié appelé Chez la grande Eugène, où j’avais mon pouf attitré en bordure de la scène. Je me régalais plusieurs soirs par mois des différents numéros de cet acteur, lui-même inimitable, qui jouait Sarah Bernardt dans l’Aiglon, et Mistinguette dans « On dit, que j’ai l’nez en trompette… » On n’aura jamais aussi bien caricaturé la féminité que dans son numéro « Les petites filles modèles » d’après la comtesse de Ségur. Ce cabaret, situé rue de Marignan, a eu une courte vie par rapport à d’autres lieux, situés à Pigalle, des cabarets transformistes dont l’un d’eux, chez Michou, existe encore aujourd’hui. On y célèbre toujours les idoles des jeunes dont on n’aurait jamais cru, à cette époque, qu’elles seraient éternelles ! Edith Piaf, Dalida et France Gall – que Michou lui-même parodiait dans les années soixante – sont incarnées par des artistes transformistes qui chantent en playback. La Badabou, artiste transformiste chez Michou, et chez Madame Arthur qui vient de fermer ses portes, venait encore sonner à ma porte dans les années 1990 pour faire la causette. Ces artistes étaient presque tous gays. Ils exprimaient avec exubérance leur part féminine sur une scène, comme le font les Poupées de Paris, Olympia Solange et Lola, dans leur émission à Radio Marais, et parfois au Manko Cabaret, non loin de feu Chez la Grande Eugène.

Aujourd’hui, la relève est assurée par un jeune artiste, Martin Dust, travesti à ses heures et meneur de revue dont le nom est Poussière, qui présente quelques numéros transformistes dans son Cabaret de Poussière une fois par mois au Zèbre de Belleville.


Dans la sphère SM, les travestis qui font le ménage chez des dominatrices réalisent leur fantasme : incarner la féminité que la société, leurs parents, et parfois même leur femme les pousse à réprimer. Alors ils s’expriment chez d’autres femmes, en femme, le chiffon ou l'aspirateur à la main, parodiant la femme traditionnelle, cette fameuse femme d’intérieur dédiée toute sa vie au ménage et au repassage. En dehors de ces quelques heures volées, les normes de la virilité ont la main mise sur leur existence. Je ne connais guère que David, qui exprime sa part féminine sous le nom d’Alexandra, qui vive aujourd’hui en femme au quotidien. En femme lesbienne car, quand on va jusque-là, pourquoi supporter à ses côtés le poids du masculin ?





L’artiste anglais Grayson Perry, travesti hétérosexuel, dont l’exposition divertissante et joyeuse, VANITé IDENTITé SEXUALITé, se tient à la Monnaie de Paris, se travestit depuis l’âge de 12 ans. Il a fait son coming out en s’habillant en femme pour recevoir le fameux prix Turner qui lui a été décerné à Londres en 2000. Il exprime officiellement sa part féminine sous le nom de Claire. « … j’ai compris qu’être un travesti ne signifiait pas faire semblant d’être une femme. Il s’agissait de porter des vêtements qui faisaient naître en moi les sentiments que je voulais éprouver, et ces sentiments étaient exacerbés par tout ce qui était frivole et froufroutant. »

Claire, son double féminin, dont les autoportraits figurent dans ma petite galerie, arbore le féminin à l’anglaise, outrancier, vieillot, victorien. La démarche de Grayson Perry – comme l’aurait probablement été la mienne si j’étais née dans un corps de garçon – est de questionner l’hégémonie du pouvoir viril. Grayson Perry va un peu plus loin que les artistes de cabaret qui s’exhibent, le soir sur une scène, le temps d’un spectacle de plumes et paillettes car son travail (céramique, photographie, stylisme, etc) est une démarche résolument politique. A voir absolument entre deux manif : Perry et Poussière !


Cabaret de Poussière : 15 janvier et 5 février, en vente dès mainteant sur billetreduc.com.

Vanité, Identité, Sexualité, exposition de Grayson Perry à la Monnaie de Paris, jusqu’au 3 février.



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