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  • Gala Fur

KINKTOK, LA PEUR DU GRAND MECHANT LOUP

Quand une jeune fille appelle de tous ses vœux une bonne correction, ses selfvidéos attirent une foule de TikTokeurs. Suivie par quelques 600 000 jeunes voyeurs enchantés, Spicychloebaby, 21 ans, qui vit chez ses parents, est une jeune vidéaste active dans la section des perversions appelée « KinkTok » sur le réseau mondial d’ados TikTok. Visage mutin, mimiques mystérieuses, une lanière noire ou un martinet rose à la main, elle évoque les corrections qu’elle va (peut-être) recevoir :

« D’après ma thérapeute, mes rechutes dans la dépression méritent une fessée »


ou encore :

« Je suis allée voir comment allait mon maître, et il était occupé à réparer ses ceintures » … que l’on voit alignées sur une table haute, devant son jeune copain au visage impassible qu’elle appelle son « DOM »


Dans une autre vidéo, son DOM lui dit : « tu es plus belle avec mes mains autour de ton cou » en faisant mine de l’étrangler.








Dans les centaines de selfvideos de Chloé, alias Spicychloebaby, le diable montre - à peine - le bout de sa queue. Un travelling sur un présentoir de toys dans le sex-shop où sa mère l’a amenée, un collier de chien qu’elle porte au cou, une cravache qu’elle agite debout devant son DOM (qui en agite une aussi), un rouleau de bondage-tape posé sur ses cuisses dans la voiture de sa mère en rentrant des courses, son déshabillage lascif (elle ôte son spencer en cuir pour exhiber un petit haut lacé et une minijupe noirs).



Histoire d’O et la série Chapeau melon et bottes de cuir ont influencé l’ancienne génération de fétichistes et BDSMeurs dont je fais partie. Aujourd’hui 50 Nuances de Greyet la romance polonaise 365 jours - dont la bande-annonce stipule que « le danger rode en permanence » - sont les références des futurs adeptes du BDSM. Post-MeToo, filles et garçons jouent à se faire peur. Plus tard ils passeront à l’acte et certains y prendront goût. Rien d’étonnant, car ces fantasmes banalisés sont devenus des clichés. Seuls les purs et durs continueront une fois pères et mères de famille.


Ce qui est nouveau, c’est l’importance de l’argent. La vénalité des héroïnes des deux films-références caractérisent une jeunesse stigmatisée par le fantasme très répandu des money-slaves : des hommes qui payent des femmes sans rien recevoir en échange, hormis des insultes et des humiliations en ligne. Sur le Net, ces perles rares sont chassées par des milliers de dominatrices en herbe qui croient encore au Père Noël et dressent des wish-lists (listes de cadeaux souhaités, à la manière des listes de mariage). Dans ces deux films-références, ce n’est pas le soumis qui paye sa domina mais le DOM qui gâte sa soumise : ce n’est plus O du roman Histoire d’O, démunie, dénudée, enfermée, lapant sa soupe immonde dans une écuelle, c’est la fille entretenue sur un grand pied par un jeune papa fouettard, une forme, somme toute, assez classique de domination patriarcale. . Au Dom d’offrir de gros cadeaux et une vie de conte de fée à sa soumise - qui ne l’est d’ailleurs qu’à moitié.


Honni soit le DOM pauvre ! Homme d’affaires dans 50 Nuances, mafieux dans 365 jours (ce qui pimente la relation) ces princes charmants beaux gosses et richissimes qui jouent du fouet mènent grand train. A quand un nouveau OSS 117 dans la peau du DOM, escorté d’une jeune beauté habillée par des couturiers et menée au bout d’une laisse Hermès ?


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