Agenouillée, ma jolie soumise est au 7e ciel, sourde aux vibrations de nos téléphones, aveugle au spot qui illumine son visage et ses seins, lovée à mes pieds après avoir reçu… une simple paire de gifles ! En un temps record l’ocytocine, l’hormone du plaisir, a épanoui ses sens, abreuvé les circonvolutions de son cerveau et gorgé son sang. Il faut au moins 15 minutes d’attouchements et de caresses pour générer la même dose d’hormones du plaisir (35 minutes pour les sécrétions d'endorphines au cardio-fitness ) et subir cet enivrement hormonal qui fait lâcher prise et perdre le contrôle.
Une simple paire de gifles a suffi à cette soumise.
Vous en connaissez pour qui ce traitement serait un amuse-bouche ? Moi aussi. Une noria. La planète SM ne manque pas de dur.es à cuire. Les grand.e.s masochistes, par exemple, qu’il faut fouetter jusqu’à se démonter l’épaule pour qu’elles (ou ils) mollissent un peu. Autant de fausses soumis.e.s qui n’ont qu’un respect relatif pour leur maître.sse et qu’un fouetteur plus performant attirerait comme le pot de miel attire une guêpe. L’addiction à la douleur est une perversion difficile à vivre et à contenter, un besoin de correction violente épisodique. Les grands masochistes ne cèdent rien de leur subjectivité et la reprenne en sortant de chez la domina comme un manteau pendu à la patère.
Restons-en à la soumission douce, à la fille docile qui monte jusqu’aux étoiles en deux coups de cuillères à pot, accro à ce formidable shoot d’hormones que déclenche les petites douleurs administrées par une main adorée, la soumise qui idéalise son maître ou sa maîtresse.
L’une d’elles, Marie, dont je décris le parcours SM dans mon dernier livre Soumises, m’a traitée de « paysage » lorsque j’ai rompu. « Sans toi, mon "paysage" s’écroule. » La perfusion d’ocytocine qui l’avait enivrée des mois durant s’était tarie d’un coup, la privant de la précieuse sève hormonale, de la réalisation de ses fantasmes et de la forte infatuation qu’elle avait élaborée. L’ocytocine n’était pas le seul bénéfice de sa soumission : remettre sa subjectivité à quelqu’un d’autre libère la soumise (ou le soumis) d’un poids énorme. Plus besoin d’orchestrer sa vie soi-même ! Un.e autre s’en charge. Le dernier bénéfice de la soumission d’un bottom, la dépendance affective, est lui aussi souvent à sens unique. L’addiction affective en remplace parfois une autre, la drogue ou l’alcool.
Les 6 femmes que je décris dans Soumises ont chacune un parcours jalonné d’addictions. Leur dépendance affective est probablement le substitut d’un manque d’amour. Après la fin de chacune de ces relations, l’addiction affective aux animaux de compagnie, au sexe ou au sucre, ou encore l’anorexie, ont pris le relais.
Qu’en est-il de l’addiction des dominants ? Pour un top, des activités comme les arts martiaux, le shibari ou le pilotage d’engins activent la sécrétion des mêmes hormones du contrôle, l’adrénaline, les endorphines ou la dopamine. Et l’écriture, me direz-vous, n’est-ce pas addictif ? Pour ma part, c’est une addiction épisodique qui a comblé l’absence d’aventures tout terrain dont je suis éprise. L’écriture m’a aidé à prendre du bon côté une certaine sédentarité. Certaines de mes amies écrivent tous les jours. Addiction, quand tu nous tiens !
La petite galerie du mois :
Photo couleur : une cérémonie de soumission organisée par Catherine Robbe-Grillet dans les petits salons de Lapérouse, à Paris.
Noir et blanc : Groupofslaves, une bande de Londoniens qui se réunissent régulièrement. Retrouvez-les dans le Dictionnaire illustré du BDSM : plus de 200 illustrations et 250 entrées, signé Gala Fur.
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